Le mercredi, à seize heures...
Le mercredi,
à seize heures, en cet automne de l'an de grâce mil neuf
cent quatre-vingt trois, eh bien je ne pouvais rien voir du tout ! En
effet, l'horaire coïncidait inopportunément avec mes activités
sportives. J'avais donc à peine le temps de voir le camarade
Jacky faire le bouffon en costume de conquistador, avant de sauter dans
mes baskets et d'attraper mon sac, la mort dans l'âme (bon, j'exagère
un peu). Et de ronger mon frein tandis que les copains à la récré
racontaient l'épisode de la veille. Heureusement, il y avait
les vacances scolaires pour capter une bribe des aventures solaires
d'Esteban, Tao et Zia. Alors, les Galápagos, oh ! Solaris, ah ! Le documentaire
en fin d'épisode, yeah ! Et puis, les cours reprenaient, les entraînements
aussi, et à la récré : "T'as vu, hier ?
Le Solaris il a coulé !" (Argh !!!)
Bref, les Cités d'Or et moi, ça a commencé par une
énoôorme frustration. Heureusement, Antenne 2 nous fit la
grâce de rediffuser l'intégrale deux ans après. J'étais
un peu moins jeune certes (treize ans et des boutons...) mais toujours aussi
demandeur, et je puis vous assurer que cette fois je n'ai pas manqué
un seul épisode. Depuis lors, j'en ai gardé le souvenir
d'un grand dessin animé pour... 
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Une grande aventure
39 épisodes de vingt minutes et quelques, qui mis bout à
bout constituent une formidable épopée.
C'est
d'abord l'histoire d'un enfant, seul au monde ou presque, comme tant
de héros pour enfants, de Tintin à Rémi. Sauf que
Tintin ne se préoccupe pas de son ascendance, alors qu'Esteban,
en ce jour pluvieux de l'an 1532, à Barcelone, apprend de la
bouche de son tuteur mourant, le révérend père
Rodriguez, que son géniteur a disparu douze ans plus tôt
dans le naufrage de son navire en plein Pacifique. Avant de sombrer,
il a eu le temps de confier à un marin intrépide venu
à son secours le bébé qu'il tenait dans ses bras.
Esteban, l'enfant, a donc été sauvé des eaux et
amené en Espagne sur le vaisseau amiral de Magellan lui-même,
avec un étrange médaillon suspendu au cou, ainsi que la
réputation avérée de faire surgir le soleil d'entre
les nuages. Le marin courageux, Mendoza, se fait alors connaître
et révèle à Esteban que son médaillon est
lié aux mystérieuses Cités d'Or, des villes légendaires
situées sur le Nouveau Monde. Il lui propose de l'y accompagner
pour les rechercher avec lui. Mendoza obéit à son appétit
de lucre, mais pour Esteban, c'est essentiellement la quête du
père disparu qui le pousse à prendre la mer.
C'est l'histoire
d'un deuxième enfant, d'une fille, Zia, originaire des Andes,
du même âge qu'Esteban. Son père, un grand-prêtre
inca, lui a légué un médaillon semblable à
celui d'Esteban, ainsi que la connaissance du système d'écriture
et de calcul des Incas, le quipu. Enlevée par le gouverneur Pizarro
et séquestrée en Espagne, elle se fait ravir par Mendoza
pour le compte d'un conquistador ambitieux, Gomez. Ils espèrent
qu'elle leur indiquera le chemin des cités fabuleuses. Avec Esteban,
tous deux passagers clandestins du navire espagnol qui les emmène
vers le Pérou, elle part aussi à la recherche de son père.
C'est encore
l'histoire d'un troisième enfant, Tao, définitivement
orphelin lui, qui vit solitaire sur l'île du Pacifique non loin
de laquelle Esteban et Zia, accompagnés de Mendoza et de ses
acolytes, Sancho et Pedro, se sont échoués après
le naufrage de leur navire. Tao est l'héritier d'un savoir considérable,
celui de ses ancêtres du légendaire empire de Mu. L'arrivée
des deux autres enfants annonce pour lui le temps de prendre le chemin
de la quête de ses origines, et là encore cette quête
passe par les Mystérieuses Cités d'Or.
Les obstacles sur la route seront innombrables, qu'ils
viennent de la nature, des Espagnols cupides et sans scrupules, des tribus
hostiles du Nouveau Continent et de ses mystères insondables. Mais
ils pourront compter sur l'appui -intéressé- de Mendoza
et de ses compagnons, sur le soutien des peuples incas et mayas qui voient
en eux les envoyés des dieux, sur l'intelligence incroyable de
leur fidèle perroquet ˆˆ ainsi que sur la sagesse providentielle
du défunt empereur de Mu dont les secrets technologiques surgissent
à point nommé pour donner à nos héros les
moyens de leur ambition. Et à mesure que ceux-ci progressent et
résolvent les énigmes, il apparaît que l'enjeu des
Cités d'Or dépasse de loin la simple course au métal
précieux.
Nos trois héros réussiront-ils à
percer le secret de l'empire du Soleil ?
Ne manquez pas le prochain épisode des Mystérieuses Cités
d'Or ! 
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Le meilleur de l'anime
De l'avis de beaucoup autour de moi et sur
le Net, et à mon avis, les Cités d'Or tiennent le haut du
pavé en matière de dessin animé, sur bien des plans.
Bon, il est vrai que depuis, de l'eau a coulé sous les ponts, et
même par dessus, et que la réalisation accuse un âge
certain si on se met à la comparer à celles de productions
plus récentes, telles que le fleuron
du studio Gainax, qui de toute façon boxe dans une autre catégorie,
et que j'évoque uniquement pour faire de la pub aux pages que je
lui consacre par ailleurs ;)
Quoi qu'il en soit, on ne peut nier que le "dessin animé le
plus intelligent de la Terre" soit pourri des qualités qui
font les meilleurs des animes, et que voici un peu dans le désordre
comme ça me vient :
- Des héros auxquels on s'identifie immédiatement
: Qui n'a jamais rêvé de tenir le manche doré du
Grand Condor entre ses mains, de dissiper les nuages sur commande *
et d'ouvrir des tas de chouettes passages secrets en actionnant
toutes sortes de mécanismes ingénieux ?
Qui n'a jamais retenu son souffle pendant que nos héros
nageaient désespérément dans le tunnel immergé
sous le Vieux Pic, frémi alors qu'ils affrontaient les alligators
du dieu de la Pluie ou qu'ils se débattaient dans les abominables
congélateurs olmèques ?
Qui n'a jamais écrasé une larme tandis que Tao sanglotait
sur les vestiges du Solaris, que Zia enterrait son vieux père
à peine retrouvé ou qu'Esteban échangeait un dernier
regard avec celui qui lui avait donné le jour sans jamais le
lui révéler ?
L'identification aux héros, c'est CA-PI-TAL !
- Un univers cohérent : la accion tiene
lugar dans l'Amérique tout juste post-colombienne, alors
que les conquistadores n'ont pas encore fini leur vilain travail. Les
éléments historiques, géographiques et archéologiques
de cette région de la planète sont brillamment intégrés
dans le DA, la plupart du temps avec justesse, ce qui rend l'histoire
très crédible à quelques détails près.
Pour asseoir le côté fantastique, on fait appel aux mythes
: les dieux incas et mayas et les continents disparus. Ce fantastique
sert de liant à l'ensemble, permettant à nos héros
de parcourir l'ensemble des grandes civilisations sud-amérindiennes
dans une progression logique. En outre, des sites tels que Machu Picchu
et le plateau de Nazca, dont le rôle historique prête encore
à discussion, trouvent tout naturellement leur place et leur
justification dans le contexte (science-)fictif.
- Un graphisme de qualité : pour l'époque
et pour une série TV, en tout cas. Depuis on a fait beaucoup
mieux, évidemment, mais il faut comparer ce qui est comparable.
Ici du moins, point d'images fixes monochromes et autres Ô-Temps-
suspends-ton-vol, choix esthétiques ou simples gages de rentabilité
que je ne supportais pas à l'époque (et guère mieux aujourd'hui).
Je retiens surtout les effets de lumière particulièrement
soignés, avec le soleil notamment. Quant aux plans aériens du Grand Condor à
contre-jour, ils sont tout bonnement époustouflants. Ma seule
véritable déception concerne les arcs-en-ciel, qui louchent
trop du côté de l'Ile aux Enfants...
- La musique d'accompagnement : ou BGM. Oeuvre
de Haim Saban et Shuki Levy. Un seul qualificatif : Rhhâââaaaaa
!!! (comme le dieu du soleil, enfin l'autre !)
En clair, ça va de très bien à... (voir
ci-dessus). Sans rire, il y a des morceaux que Vangelis ne renierait
pas ! Un peu plus d'une vingtaine sont encore disponibles sur le Web,
issus du 33T original ou reconstitués à partir des vidéos,
par la grâce de vrais mordus.
Deux CD "officiels" ont été édités par la suite,
l'un par RYM Music (juste le 33T avec packaging bien moche),
l'autre par AK (packaging superbe mais contenu sans rapport :
le 33T + reconstitutions mono, avec du multimédia bâclé
-et repompé- et en prime un clic au début de chaque
plage -soupir...)
C'était à ce point frustrant qu'il s'est fort heureusement trouvé un
autre mordu pour tenter l'exercice ardu de la réinterprétation des thèmes.
Yannick Rault a ainsi pu nous livrer une version "non-officielle" :
rien moins que l'ensemble des thèmes absents du 33T d'origine, reproduits avec un souci de
fidélité remarquable, sans compter les quelques créations personnelles
qui ne gâchent rien, bien au contraire ! Le tout est disponible sur deux CD du label Loga-Rythme,
bien connu des nostalgiques de ma génération. Un achat indispensable !
Les Japonais eurent droit en leur temps à des BGM différentes. Je ne sais ce
qu'elles valaient, mais pour ce qui est des génériques japonais,
que j'ai pu écouter sur le site de Mark Yates, je
vous livre ma réaction à chaud : groumpffffhihiHOHOHAHAHA
(rire gras non dénué d'une certaine consternation.
Mais il paraît que ça vaut mieux que d'être sourd
!)
- Les reportages : après l'avant-goût
un brin spolieur de l'épisode suivant, nos tendres cervelles
avaient droit à un reportage didactique de trois/quatre minutes sur divers
sujets allant des gouffres amers du détroit de Magellan aux cérémonies
folkloriques des bords du Titicaca, en rapport autant que possible avec
l'épisode de la semaine. Vous imaginez cela aujourd'hui ?
C'est avec délices que nous arpentions avec la caméra
de NHK les crêtes andines et les plateaux du Yucatán, guidés
en grande pompe par le commentaire de Jean Topart (voix célèbre
dans l'animation : "Aujourd'hui, Rémi et ses amis arrivent
à Aurillac" "Tu erreras désormais dans
un monde inconnu..." entre autres !) Mine de rien, c'est le
genre d'initiative audacieuse qui incitait le petit garçon que
j'étais (snif !) à plonger dans son Tout l'Univers
pour approfondir. J'ai même ouï dire que cela
avait décidé de la carrière future d'un fan !
- Un suspense insoutenable : vous le constaterez
si vous acquérez l'intégrale en vidéo, il est assez
difficile de se dire : "après cet épisode-là,
j'arrête", parce que justement à la fin, un péril
inopiné menace nos amis et on ne peut pas les laisser dans cette
situation. Ou bien c'est un voile levé sur un mystère,
et on veut savoir comment les héros vont le mettre à profit.
Le "résumé de l'épisode suivant" nous
met bien l'eau à la bouche pour que nous embrayions sur la suite,
quitte à casser un peu le suspense parfois. Mais il faut dire
que normalement, une semaine s'écoule entre chaque épisode,
on a quasiment oublié ce qui va se passer, et le résumé
est bienvenu pour nous rappeler ce qui s'est passé la dernière
fois ! Le suspense n'est d'ailleurs pas limité aux fins d'épisodes,
et l'action est riche en cordes raides de tous crins !
- Un scénario en béton : "En
France, on n'a que des mauvais scénaristes, quand on en a".
Ce théorème hélas maintes fois démontré
ne s'applique évidemment pas au tandem Deyriès/ Chalopin,
dont le talent a enchanté les enfants du monde entier. Pour les
Cités d'Or, ils n'avaient qu'à retravailler un scénario
déjà bien débroussaillé par l'équipe
japonaise, à partir du roman assez peu enthousiasmant paraît-il
de Scott O'Dell. Encore un cas où une adaptation dépasse
l'uvre dont elle est issue !
On peut encore parler de la psychologie soignée
des personnages ou d'un humour pas trop niais, même quand il est
entre les mains hasardeuses du duo de choc Sancho/Pedro. Tout cela fait
que ce merveilleux DA résiste à l'outrage des ans... de
ses spectateurs ! 
* Par chez moi, ce serait bien pratique, malheureusement
je ne suis pas fils du Soleil ! Par ailleurs, j'aurais vraiment aimé avoir
Esteban sous le coude à Laon, un certain 11 août du siècle dernier...
† Cette chaîne nippone a une réputation solide en matière de reportages. On se rappelle, à
la même époque, l'excellente Planète miracle .
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