0:2 - De la valeur d'une série / Dramadiver

Ich komme !Le plus étrange est que j'ai adhéré à cet anime alors que je n'avais pas commencé par le commencement, mais directement par "Genesis 0:3" (suivant la numérotation de Dynamic), les deux précédents volumes étant vacants sur le rayon. Ayant déjà lu les manga, cela ne me gênait pas trop pour la compréhension globale de l'histoire ; par contre, je commençais sans le savoir par les épisodes réputés les moins bons de la série. Plus exactement, les plus primesautiers, qui ne reflètent pas l'ambiance générale (ils la tempèrent plutôt). C'est donc d'un œil amusé que j'ai suivi le désamorçage anecdotique du Jet Alone, l'entrée en fanfare de la chieuse en chef, et les perspectives vertigineuses qu'elle offre à son cavalier (!) Même sans la dimension proprement tragique de la série, j'ai été conquis d'emblée par les personnages et par le rythme très enlevé de ces épisodes.

Tout ceci était bien sympathique, mais ne faisait cependant pas d'Evangelion LA série mythique dont tout le monde débat à n'en plus finir. Enfin, je mets la main sur "Genesis 0:1" et là... Impact ! :) Pour la première fois, je vois une série d'animation adulte avec des personnages réalistes, à la psychologie très fouillée, campés dans une réalisation se démarquant radicalement des schémas habituels de l'animation japonaise. J'ai été particulièrement frappé par l'intensité dramatique qu'atteignent certains épisodes, au point qu'on n'ose plus employer le terme "dessin animé". Il suffit d'avoir entendu une fois les hurlements de douleur ou d'horreur de Shinji (en VO, bien sûr !) pour s'en convaincre. Certaines séquences sont d'ailleurs vraiment dérangeantes, à la limite du scabreux, et on comprend que Genesis 0:7 et 0:8 soient interdits aux enfants de moins de quatorze ans ! (jusqu'à ce qu'ils aient l'âge de piloter, en fait ;) Bien sûr, ce n'est pas en cela qu'Evangelion se distingue... L'essentiel réside dans le talent du réalisateur.

On trouve déjà des prémices du savoir-faire de Hideaki Anno dans Nadia. D'ailleurs, les correspondances avec le précédent succès de Gainax sautent aux yeux : on peut retrouver Electra dans Ritsuko, Jean dans Kensuke, Gladys ou Nadia-"je vous déteste" dans Asuka..., sans compter l'épisode 8, une parodie à lui tout seul. En lisant les notes du manga, on découvre même que physiquement parlant, Shinji est Nadia au masculin. On doit trouver aussi des références aux productions antérieures du studio, mais Eva et Le Secret de l'Eau Bleue sont les seules que j'ai vues jusqu'à présent. Nadia était une série inégale, oscillant entre des séquences débiles et d'autres vraiment géniales, mais correcte dans l'ensemble, avec quelques prétentions à une certaine maturité. A ce sujet, je vous renvoie à un excellent article d'Animeland n°27 (nov. 96) sur le thème de la mort dans Nadia. Pour autant, cela n'égalait pas à mon avis le niveau global d'une série comme les Cités d'Or (cf dossier dans le même numéro d'AL :) Dans Shinseiki Evangelion en revanche, Hideaki Anno donne la pleine mesure de son talent, adoptant une démarche d'auteur à contre-courant de la rentabilité forcée qui caractérise ce milieu. C'est d'ailleurs tout le studio Gainax qui se dresse derrière son chef de file pour sortir l'anime des sentiers mille fois rebattus. Le moins que l'on puisse dire est qu'ils vont pousser l'audace très loin !

Donc, ce n'est plus Actarus dans son Goldorak, mais Shinji dans son Shogôki, et le fossé entre les deux est considérable.* Nous rêvions d'être le jeune prince extra-terrestre fort et brave qui bondit sans hésiter dans son engin autonome et quasi-invincible pour défendre ses amis terriens et pulvériser de vilains robots contrôlés par des créatures sanguinaires et très moches par dessus le marché qui ne méritent pas autre chose que de périr ignominieusement pour le plus grand bien des honnêtes gens. Sommes-nous prêts à nous identifier pareillement à un adolescent fragile, introverti et pusillanime, pour qui la sauvegarde de l'humanité compte moins que ses complexes vis-à-vis des autres et d'un père cruel, un enfant qu'on envoie combattre contre son gré des créatures dont il ne sait rien, mais qu'on lui désigne comme "ennemis", en l'introduisant dans un géant biomécanique au rictus inquiétant qui ne daigne bouger qu'à condition que l'on entre en résonnance psychique avec lui, quand il n'en fait pas qu'à sa tête ? Accepterons-nous un "héros" traînant un boulet de lâchetés, de conflits et de responsabilités mal acceptées, égocentré et esclave du regard d'autrui  ? Adieu, stéréotypes ! Le sauveur de l'humanité n'est plus un surhomme à la Nietzsche, c'est juste un petit d'homme avec de nombreux défauts et quelques qualités (tout de même !), autour duquel gravitent d'autres personnages confrontés eux-aussi à des dilemmes personnels. En cela, ils sont -presque- tous attachants à des degrés divers, car on retrouve inévitablement une part de soi-même chez l'un ou l'autre, une part de soi réel, bien entendu, et non la projection d'un quelconque idéal comme c'est le cas pour des héros plus "manichéens".

Ce qui fait donc la force d'Eva, c'est bel et bien l'humanité des personnages et le fait que la série se focalise sur eux. Devine-t-on pour autant que le combat entre les Anges et les Evangelions ne constitue pas l'essentiel, et que contrairement à l'usage, ce sont les personnages avec leur psychisme et leur relationnel qui occupent le premier plan ? Le nombre d'épisodes exempts de tout combat, uniquement constitués de rencontres, de discussions ou d'introspections devrait nous mettre la puce à l'oreille. Malgré tout, on s'accroche quand même à l'enjeu "officiel", qui nous est plus familier, d'autant que le montage des scènes et la bande-son remarquables l'appuient efficacement. Qui plus est, nous devons compter avec l'aspect "ésotérique", dont le rôle majeur est justement de brouiller les cartes...

* Certains épisodes de Goldorak suggèrent malgré tout l'existence d'un lien A10 entre Actarus et son robot :)

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