0:3 - Mystique et Symboles / Weaving a Background

Zankoku na tenshi no yô ni...Pour qui a un tant soi peu de culture religieuse, les références contenues dans Evangelion sautent aux yeux, et sont même souvent outrancières (des croix partout) au point que ma première pensée à la vue de ce magma ésotérique fut : "Quelle infâme récup' ! ". Un artifice pour conférer à la série une dimension supplémentaire, en somme... À l'instar des mythologies grecques ou nordiques, les religions occidentales ne sont au fond qu'un vivier exotique de plus pour un scénariste japonais. Et Hideaki Anno est un récidiviste : déjà dans Nadia, nous avions eu droit à l'Arche de Noé, à un géant nommé Adam, à un mystérieux Arbre de Vie... Evangelion continue joyeusement avec son propre titre d'abord, puis de nouveau un géant nommé Adam, des Eves en série, des Anges qui seraient aussi des Apôtres et qui surgissent conformément aux prédictions des Manuscrits de la Mer Morte (qui ont toujours eu bon dos...). Au passage, admirez les superbes diagrammes séphirotiques qui ornent le plafond de cette salle, et cette Lancea Longini d'époque, remarquablement conservée, preuve que Ponce Pilate avait déjà eu affaire à un shito il y a vingt siècles...

Partant de là, une chose est sûre  : aborder Eva sur le plan mystique est une erreur, la spiritualité n'étant visiblement pas à l'ordre du jour. Les propos de Gendô et des membres de la Seele (qu'on prononce Zéhéleu, ne vous en déplaise :) inciteraient même à penser que la série est franchement matérialiste. Certes, il est question d'un mystérieux Plan de Complémentarité de l'Homme, mais basé qu'il est sur un embryon enfermé dans une valise, il ne semble pas voler dans les hautes sphères... (à propos, cette histoire de projet secret, chapeauté par une conspiration de vieillards, couvert par les Nations Unies et la désinformation des gouvernements, avec manipulations génétiques et clones en tout genre, ça ne vous rappelle rien ? Chris Carter devrait porter plainte :) D'un autre côté, il est aussi question de l'âme, qui meut les EVA, et que la scientifique de service reconnaît comme non-numérisable. Mais ce concept transcende-t-il le niveau des ghosts de GITS ? Rien n'est moins sûr... Dès lors, peut-on parler de parti-pris athée, voire d'une volonté de dérision des religions bibliques, comme certains l'ont affirmé ? À cette dernière question, les auteurs ont répondu par la négative ; de toute manière, cela n'eut pas été très judicieux de leur part. La question de Dieu est en fait soigneusement laissée dans le vague. Comme nous, les personnages ont chacun leurs convictions, et les rares allusions qu'ils peuvent lâcher dans la série ne décident aucunement du sens de celle-ci. Il me semble donc illusoire de chercher Dieu dans Eva, sauf à lui donner une définition radicalement différente et assez terre à terre (les films semblent très légèrement plus explicites là-dessus). Par contre, vous trouverez sans peine une nouvelle déclinaison de "l'Homme qui veut devenir Dieu", appuyée par de multiples références à la Kabbale juive. Mais même ce thème-là n'est qu'accessoire...

Si l'on ne peut appréhender les références ésotériques sous l'angle mystique sans échouer dans une impasse, on peut encore tenter l'approche symbolique. L'amalgame incohérent en apparence se mue alors en un réseau de correspondances soigneusement construit, sur lequel Hideaki Anno a beaucoup travaillé, de toute évidence. Le problème est de déterminer où commencent et où finissent les symboles dans la pensée de l'auteur. Anno n'ayant aucune intention de nous le révéler, c'est à nous de nous y coller pour tenter de démêler si Shinji représente le Messie ou au contraire l'Antéchrist, ou si c'est plutôt Kaoru le Messie et Shinji l'humanité personnifiée, si les Anges sont des humains ou si l'Homme constitue un Ange, etc... tout en gardant à l'esprit qu'on parle de symboles et non de théologie. Les interprétations et les conclusions qui en découlent sont évidemment multiples, et le comble, c'est qu'elles ne sont guère utiles. Dès le départ, par exemple, Anno biaise l'édifice symbolique en faisant descendre l'humanité de Lilith et non d'Adam. On aura toujours beau jeu de se rattraper d'une manière ou d'une autre, et c'est même un exercice passionnant et amusant, si on ne le prend pas au sérieux. Cela vaut mieux, quand on découvre, à la fin de la série, les intentions véritables de l'auteur  : l'ésotérisme n'est qu'un leurre, juste un élément du décor comme nous le pressentions - encore que l'interprétation symbolique puisse être habilement orientée dans le sens de la conclusion. Récupération, donc ? Sans doute, mais on peut raisonnablement penser qu'elle n'est pas dans les plus mauvaises mains.

TOP
PREVNEXT

© Xael 1999. All rights reserved.